par Olga Kauffmann
La plupart des gens intéressés par la psychologie
humaniste, la relation d'aide et la psychothérapie ont rencontré le nom de Carl
Rogers. Il a été l'un des pionniers de la psychologie humaniste avec Abraham Maslow, Gordon Allport et
d'autres. Autour des années 1940 il a commencé le développement et le
perfectionnement d'une approche au "counselling"
(relation d'aide) et à la psychothérapie, fortement différente de la
psychanalyse et du comportementalisme, d'un usage tout à fait courant à ce
moment-là.
Différente en ce sens que, comme il le disait "Elle
vise directement à une grande indépendance et à une grande maturation de
l'individu mais n'espère pas que de tels résultats seront améliorés si le
conseiller aide à résoudre le problème. C'est l'individu et non le problème qui
est au centre. L'objectif n'est pas de résoudre un problème particulier mais
d'aider l'individu à se développer afin qu'il puisse faire face au problème
actuel et à des problèmes ultérieurs d'une façon mieux appropriée. S'il peut
parvenir à un développement suffisant pour traiter un problème de façon plus
indépendante, plus responsable, moins confuse, plus organisée, il traitera
également de la même façon les nouveaux problèmes qui se présenteront à
lui."(1)
Au fil des années, ce point de vue s'est trouvé amplifié,
approfondi et renforcé à la fois par l'expérience clinique et la recherche
considérable sur l'hypothèse révolutionnaire de l'Approche Centrée sur la
Personne (A.C.P.) selon laquelle "L'individu a en lui des capacités
considérables de se comprendre, de changer l'idée qu'il a de lui-même, ses
attitudes et sa manière de se conduire ; il peut puiser dans ces ressources
pourvu que lui soit assuré un climat d'attitudes psychologiques
"facilitatrices" que l'on peut déterminer".(2)
Cette hypothèse a été testée et s'est trouvée raffermie
durant des décennies dans des situations impliquant des enseignants et des
élèves ou étudiants en classe, des dirigeants d'entreprises et des membres du
personnel, des facilitateurs et des participants dans des groupes inter-culturels, aussi bien que des psychothérapeutes et
leurs clients.
LES CONCEPTS
DE BASE.
Peut-être que le concept fondamental de l'Approche
Centrée sur la Personne est la confiance.
Le fondement sur lequel repose l'A. C. P. est l'existence
d'une tendance à l'actualisation, ou à la réalisation de soi, présente dans
tous les organismes vivants. Il y a donc dans ce fondement la confiance qu'il
existe dans chaque être humain une force directionnelle constructive vers la réalisation de son potentiel.
Rogers (1980) a décrit cette tendance à l'actualisation
comme faisant partie d'une tendance formatrice plus large, présente dans
l'univers en un mouvement vers un ordre créatif plus grand. Ce mouvement
naturel, complexe, qui construit et crée aussi bien qu'il détériore, peut être
observé dans les étoiles, la formation du cristal, les micro-organismes aussi
bien que dans les êtres humains.
Autrement dit, il y a une confiance de base dans les
individus et les groupes pour définir leurs propres buts et contrôler leur cheminement.
Cela prend un sens particulier pour tout ce qui touche l'enfant, les étudiants,
les individus dans leur contexte professionnel car, le plus souvent, dans notre
système éducatif et social, on considère qu'ils ont un besoin constant d'être
guidés et surveillés.
Dans le contexte de la psychothérapie, l'Approche Centrée
sur la Personne fait confiance aux clients pour choisir leurs propres
thérapeutes, pour choisir la fréquence et la longueur de leur thérapie, pour
parler ou rester silencieux, pour décider des besoins à explorer, pour réaliser
leurs prises de conscience et pour être les architectes de leur propre vie.
Mais quel est le climat psychologique qui donne la
possibilité de libérer, chez l'individu, la capacité de comprendre et d'organiser
sa vie ? Il y a trois conditions de base favorables à ce climat qui encourage
la croissance, qu'il s'agisse de relations entre le thérapeute et le client, le
parent et l'enfant, le facilitateur et le groupe, l'enseignant et les élèves ou
les étudiants, en fait toute situation qui se fixe comme objectif le
développement de la personne.
La congruence, le regard positif inconditionnel et
l'empathie représentent les concepts de base de la Thérapie Centrée sur le Client.
Lorsque le thérapeute réussit à fournir un climat comprenant ces attitudes
facilitatrices, le client répondra alors par des changements constructifs dans
l'organisation de sa personnalité.
La compréhension empathique est un processus actif,
immédiat, continu. "Cela veut dire que le thérapeute entre dans le monde
de sentiments et significations personnels que le client est en train
d'expérimenter et qu'il communique cette compréhension acceptante au client.
Quand le fonctionnement est à son meilleur niveau, le thérapeute se trouve
tellement immergé dans le monde privé de l'autre, qu'il ou qu'elle peut non
seulement clarifier les significations dont le client est conscient mais même
ceux se trouvant juste au-dessous du niveau de conscience"
(Rogers,1975),(3).
On a souvent insisté sur l'exactitude de la compréhension
empathique mais ce qui me semble plus important c'est l'intérêt porté par le
thérapeute pour apprécier le monde du client et son ouverture à accepter une
rectification de la part de celui-ci, s'il ne se trouve pas exactement au même
endroit que lui. Cela crée un processus dans lequel le thérapeute se sent de
plus en plus proche des significations et sentiments du client et cela permet
de développer une relation toujours plus profonde, basée sur le respect et la
compréhension de l'autre personne.
D'autres termes pour désigner cette condition sont
l'acceptation, la considération non possessive, la valorisation. "Cela
veut dire que lorsque le thérapeute fait l'expérience d'une attitude positive,
exempte de jugement, acceptante envers ce que le client est sur le moment, quoi
que ce soit, alors un mouvement thérapeutique, ou changement, est plus
probable. Cela demande la volonté du thérapeute de laisser le client être le
sentiment qu'il est en train de vivre, quel qu'il soit : confusion,
ressentiment, peur, colère, courage, amour ou orgueil. C'est une attention non
possessive. Lorsque le thérapeute accepte le client d'une manière totale plutôt
que conditionnelle, un mouvement en avant est probable."(Rogers 1986),(4).
Il n'est, bien sûr, pas possible d'éprouver à tout
instant une telle sollicitude. On a simplement constaté que si cet élément
n'intervient pas assez souvent dans la relation, il y a moins de chances que se
produise un changement constructif chez le client.
Selon Rogers "C'est la première des trois conditions
pour favoriser un changement thérapeutique...Cela ne veut pas dire que le thérapeute
charge le client de tout ses problèmes ou sentiments. Cela ne veut pas dire que
le thérapeute laisse échapper d'une manière impulsive tout ce qui lui vient à
l'esprit. Cela veut dire cependant que le (ou la)
thérapeute ne refuse pas de considérer les sentiments qui coulent
en lui, sur le moment, et qu'il est disposé à exprimer et à être ouvert à
n'importe quels sentiments persistants qui existent dans la relation. Cela veut
dire éviter la tentation de se cacher
derrière un masque de professionnalisme ".(Rogers
et Sanford, 1985),(5).
Aujourd'hui l'Approche Centrée sur la Personne est
vivante et présente en jouant un rôle important dans, entre autres, le monde de
la psychothérapie, de l'éducation et celui de la relation d'aide. Pour ma part,
elle m'aide dans ma vie personnelle et professionnelle à vivre plus proche de
ce que je suis, ce qui me permet d'accompagner les autres dans le développement
de leur potentiel.
Références
bibliographiques :
(1)
C.R. Rogers - "In retrospect : 46 years", American Psychology, 29, n.2 , 1974, p.116.
(2)
C.R. Rogers - "La relation d'aide et la psychothérapie", Ed. ESF, Paris, 1970.
(3) C.R. Rogers in
"Client-Centered Psychotherapy"
Comprehensive textbook of Psychiatry, 1975.
(4)
C.R. Rogers "Un manifeste Personnaliste", Dunod,
1979.
(5) C.R. Rogers & R.Sanford
"Client-Centered Psychotherapy" in
Comprehensive Textbook of Psychiatry (4th ed.)(pp
1374-1388)